"Entre-deux-guerres, de jeunes japonaises débarquent en masse à San Francisco, s'extirpant des soutes des paquebots. Choisies sur photo par les hommes exilés plus tôt pour du travail, envoyées là par leurs familles, elles sont encore des gamines qui partent avec l'espoir d'une vie meilleure et peut-être même de l'amour. Mais à l'arrivée, la déception est violente: Les maris ne sont pas du tout ceux dont elles rêvaient, et c'est une vie d'esclaves qui les attend. Le racisme des blancs, la difficulté à s'adapter à cette société si différente ne sont rien face à ce qu'elles vivront au lendemain de l'attaque de Pearl Harbor." CB
Françoise Dargent, Le Figaro:
«Bienvenue, mesdemoiselles japonaises!» disait un guide édité à leur intention. C'est leur histoire que raconte ce livre qui vous happe dès les premières lignes. L'histoire d'un exil à répétition, l'histoire d'une tromperie collective. «Sur le bateau, nous étions presque toutes vierges», précise encore la première phrase de l'ouvrage. Passé l'éprouvante traversée, le deuxième chapitre décrit la nuit de noces avec un inconnu, souvent un de ces pauvres hères travaillant dans les champs de la campagne californienne ou dans les blanchisseries des villes de la côte Ouest. Leurs femmes, formées à l'art du thé, au pliage des kimonos et à une extrême politesse, allaient devenir des larbins à leur tour.
La romancière ne choisit pas de raconter le parcours d'une de ces femmes. Elle raconte leur histoire à toutes, faisant d'une somme de détails, tantôt anodins, tantôt emblématiques, une épopée humaine bouleversante. Elle emploie la première personne du pluriel, ce «nous» qui bruit longtemps après que l'on a refermé le roman. Cette voix raconte le pire comme le meilleur, sans pathos. La nostalgie du pays natal, la brutalité du mari ou au contraire sa tendresse, le travail aux champs, le nettoyage du linge souillé, le regard des Blancs et celui, plus tard, plein de pitié, des enfants.
Extrait:
"Le jour nous travaillions dans leurs vergers et leurs champs mais chaque nuit, dans notre sommeil, nous retournions chez nous. Parfois nous rêvions que nous étions revenues au village, où nous faisions avancer un cerceau de métal dans la rue des Riches-Marchands avec notre baguette fourchue préférée."
Disponible format papier et livre lu: